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Читать книгу 📗 "Demain - Musso Guillaume"

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            Vous pouvez me demander N’IMPORTE QUOI, Emma. Si vous voulez davantage d’argent, je peux vous communiquer les chiffres de la loterie, de la Bourse ou les scores des prochains matchs de basket. Demandez-moi n’importe quelle somme et je vous la ferai gagner…

            Je vous embrasse,

            Matt.

            Ce courrier la fit sortir de ses gonds. Incapable de maîtriser son impulsivité, elle lui répondit quelques lignes dans lesquelles étaient concentrées toute sa colère et toute sa frustration.

            De :Emma Lovenstein

            À :Matthew Shapiro

            Objet :Re : Sustine et abstine

            Ce n’est pas de l’argent que je veux, pauvre type !

            Je veux de l’amour ! Je veux une famille !

            Je veux des choses qui ne s’achètent pas !

            À peine avait-elle cliqué pour envoyer le message qu’elle s’aperçut que Matthew et sa famille avaient quitté le restaurant. Elle referma le capot de son ordinateur et réclama l’addition. Comme elle n’avait plus de liquide, elle donna sa carte, mais dut patienter, le temps qu’on lui rapporte son rectangle de plastique.

            *

            Elle sortit en hâte sur North Square et retrouva les Shapiro flânant sur Hanover Street. Elle les suivit jusqu’à une longue esplanade de verdure agrémentée d’arbres, de fontaines, de jets d’eau et de lampadaires. Après quinze ans de travaux colossaux, Boston avait réalisé l’exploit d’enterrer l’immense autoroute qui défigurait autrefois la ville. À présent, les huit voies souterraines couraient, invisibles, dans les entrailles de la cité. Elles avaient fait place nette en surface, offrant un espace nouveau à une succession de petits îlots verdoyants et piétonniers.

            Emma continua sa filature jusqu’à l’intersection de Cambridge Street et de Temple Street. Au niveau du passage piéton, Matthew et Kate échangèrent un baiser furtif avant de partir dans des directions opposées. Prise au dépourvu, Emma hésita quelques secondes. Elle comprit que Matthew et sa fille retournaient vers leur maison de Beacon Hill et préféra mettre ses pas dans ceux de Kate. La jeune femme passa devant les lignes verticales de la Old West Church puis arriva à proximité d’un quartier plus moderne où les reflets froids du verre et de l’acier avaient supplanté le charme patiné des briques rouges. Emma leva la tête en direction d’un panneau lumineux : elle se trouvait au seuil de l’entrée principale du MGH, le Massachusetts General Hospital, l’un des plus grands et des plus anciens hôpitaux du pays.

            L’endroit était une zone tentaculaire dans laquelle les buildings s’entassaient les uns sur les autres sans harmonie ni logique apparente. On devinait qu’au fil des années l’hôpital s’était développé sur le modèle d’une ville-champignon. À la vieille bâtisse initiale s’était greffée une grappe de nouveaux bâtiments toujours plus vastes, toujours plus hauts. Le complexe médical était d’ailleurs encore en travaux : une énorme masse de béton sortait de terre au milieu des grues, des bennes, des tractopelles et des baraques de chantier.

            Kate se fondit avec aisance dans ce décor hostile pour rejoindre un imposant cube de verre turquoise : l’immeuble qui abritait le Heart Center. La chirurgienne monta d’un pas sportif les marches qui permettaient d’accéder aux portes automatiques et disparut dans le bâtiment. Emma devina alors que Kate prenait sa garde dans l’antenne du MGH spécialisée dans les affections cardiaques.

            Elle hésita. Impossible de suivre Kate à l’intérieur de l’hôpital. Elle se ferait rapidement repérer et refouler. Quel intérêt d’ailleurs y avait-il à le faire ? Emma était sur le point de renoncer, mais la curiosité était forte. Dévorante. Surtout, elle sentait l’adrénaline qui courait dans ses veines, causant une excitation qui la désinhibait et la rendait intrépide.

            Elle tourna la tête à l’affût d’une idée. On avait beau être dimanche, le parking était encombré de camions de livraison garés en double file. Portes grandes ouvertes, ils débarquaient leurs marchandises dans l’anarchie la plus complète : nourriture, médicaments, produits ménagers, linge revenant d’une entreprise de pressing…

            Elle se rapprocha de ce dernier fourgon et passa une tête rapide à l’intérieur. Le chargement était constitué de grands paniers contenant des draps, des chemises de patients et des blouses de médecins. Elle chercha du regard le chauffeur. Sans doute faisait-il partie du petit groupe qui prenait une pause près des distributeurs de boissons. Tout à leur conversation, les gars ne prêtèrent pas attention à elle. Le cœur battant, elle tendit la main pour attraper l’un des uniformes. Taillée pour un homme, la blouse était deux fois trop grande, mais Emma s’en contenta, retroussa les manches et s’engouffra dans le centre de cardiologie.

            *

            Lumineux et clair, le hall d’entrée contrastait avec l’agitation du dehors. Partout, des éléments naturels – bambous, orchidées, plantes tropicales, cascade qui ruisselait le long d’un mur en ardoise – s’agençaient pour créer une ambiance apaisante.

            Emma retrouva Kate au milieu du lobby en pleine conversation avec une collègue, mais leur échange ne s’éternisa pas et déjà la chirurgienne grimpait d’autres escaliers, présentant son badge au vigile qui gardait l’accès aux salles réservées au personnel soignant.

            Dépourvue du précieux sésame, Emma attrapa une brochure sur un présentoir. Comme dans les cours de théâtre de son adolescence, elle essaya de se composer un personnage crédible en procédant par mimétisme. Avec son sac à dos, sa blouse et son allure déterminée, elle n’était pas très différente des internes et des médecins qui peuplaient les lieux. Elle baissa les yeux et se concentra sur sa brochure comme si elle prenait connaissance d’un dossier médical avant une opération. Le vigile ne la regarda même pas, lui permettant ainsi de suivre Kate jusqu’à la cafétéria du personnel. La chirurgienne y rejoignait deux internes : une jolie métisse au visage fin et un beau gosse athlétique qu’on imaginait avec un maillot de football sur le dos plutôt qu’avec un stéthoscope autour du cou.

            Emma s’assit à la table à côté pour pouvoir profiter de la conversation. Sans un sourire, Kate salua ses deux étudiants dont elle supervisait manifestement l’évaluation, refusa le café qu’ils lui proposaient et, d’un ton cassant, entama une litanie de reproches, pointant impitoyablement leurs insuffisances. Ses qualificatifs étaient très durs : « incompétents », « glandeurs », « dilettantes », « pas au niveau », « branleurs », « nuls », « dangereux pour les patients »… Le visage décomposé, les deux internes exprimèrent bien quelques désaccords, mais leur ligne de défense ne faisait pas le poids face à la virulence des attaques de Kate. Celle-ci se leva d’ailleurs rapidement pour mettre fin à l’entretien non sans avoir au préalable proféré une véritable menace :

            – Si vous ne changez pas radicalement d’état d’esprit, si vous ne prenez pas conscience qu’il faut vraimentcommencer à travailler, vous pouvez dire adieu à vos rêves de spécialisation en chirurgie. En tout cas, je m’opposerai sans états d’âme à la validation de votre clinicat.

            Elle les fixa droit dans les yeux pour vérifier que le missile avait atteint son but et tourna les talons pour se diriger vers les ascenseurs.

            Cette fois, Emma renonça à la suivre et resta assise à sa table, tendant l’oreille pour écouter les deux internes donner libre cours à leur aigreur :

            – Cette salope est aussi bandante qu’odieuse !

            – C’est très élégant, Tim. Tu aurais dû lui dire lorsqu’elle était là…

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